PETITES HISTOIRES ET HISTOIRE FAMILIALE
Le porc, que Gaulois et Romains consommaient dans tous ses états, est entré précocement dans l’histoire alimentaire et gastronomique.
L’andouillette, évoquée vers 1680, gloire troyenne depuis le 19e siècle, n’a cependant pas encore trouvé l’historien de son plus-que-passé.
Le célèbre Ménagier, recensant les apprêts de charcuterie au 14e siècle, parla de « boyaulx renversés pour laver » et d’andouilles ; on a beaucoup débattu des rapports médiévaux entre tripiers, bouchers et « chaircuitiers ». Mais les définitions précises manquent et l’on ne saurait dire quand l’andouillette de Troyes répondit couramment à la recette qui fait toujours son succès.
En attendant qu’œuvre un chartiste charcutier, la petite histoire multiplie les anecdotes. D’autant plus facilement que la belle ville de Troyes fut une cité comtale illustre, célèbre pour ses foires, où les métiers de bouche furent tôt florissants.
Une historiette répétée veut qu’un prince carolingien, Louis le Bègue, se fût régalé d’andouillettes en 878, lors de son sacre par le pape Jean VIII, venu d’Italie. Un dernier plaisir pour ce petit roi d’une France en gestation, dont le règne devait être court. Bien d’autres anecdotes suivent… à rapporter au conditionnel.
La reine Isabeau de Bavière, déjà venue en 1389, et Charles VI, le roi fol (qu’elle avait épousé à peine adolescente) séjournèrent assez longuement à Troyes avec la cour en des temps troublés, de 1417 à 1420. Des andouillettes sur quelque table de festin ? On croit s’en souvenir. En 1560, au début des guerres de religion, les soldats de l’armée royale investissant Troyes se seraient dispersés pour se fournir en andouillettes et ainsi laissés surprendre par leurs adversaires. En 1650, le très jeune Louis XIV s’arrêta à Troyes avec la cour, sur la route de la Bourgogne. Il se serait régalé d’andouillettes, avec l’appétit de ses 12 ans…
Napoléon fit étape à Troyes en avril 1805 alors qu’il se rendait en Italie. Il y écrivit plusieurs lettres et notes, s’avouant "Très-content" du pays et de la population et évoquant "une petite fête" donnée par la cité en son honneur. Qui imaginerait cette fête sans andouillettes ?
Quelques décennies après, l’andouillette de Troyes fut citée par Dumas, puis chantée par le malicieux poète et chroniqueur gastronomique Charles Monselet. Enfin, des certitudes ! Lorsque Gaston Lemelle fit son apprentissage de charcutier au nord de l’Aube et apprit d’un vieil artisan de Saint-Just à dresser les andouillettes, la tradition était bien affirmée. Au lendemain de la Grande Guerre, il perfectionna l’élaboration de ce qui devint sa meilleure spécialité. Son fils et successeur Gilbert prit le relais en bon Troyen, suivi par les petits-fils, Dominique (il avait un an quand Gaston quitta ce monde) et Benoît.
De la petite histoire à l’histoire familiale… l’andouillette a finalement une histoire !